Qu’est-ce qu’un cancer et qu’est-ce qui ne l’est pas ? Si la réponse à cette question est évidente dans de nombreux cas, elle n’est pas toujours simple. Une maladie est considérée comme maligne ou cancéreuse lorsqu’il y a une prolifération incontrôlée et invasive de cellules, c’est-à-dire lorsque les cellules se propagent en dehors des frontières naturelles du corps pour atteindre d’autres zones, et qu’elles ont le potentiel de migrer vers le système lymphatique et dans des parties du corps éloignées.
Comme le vivant est un continuum, la limite n’est pas toujours évidente à définir. Quelle est la probabilité qu’une tumeur se propage et à partir de quelle vitesse de croissance est-elle considérée comme cancéreuse ? Outre les questions purement médicales, l’étiquette attribuée à une maladie influe également sur la perception qu’en ont les patients diagnostiqués. Il n’est donc pas rare de redéfinir une maladie comme étant un cancer.
Dans le domaine de l’assurance maladies redoutées, le cancer s’impose comme la principale maladie et il est généralement à l’origine de 50 à 90 % de toutes les demandes d’indemnisation. Toutes les définitions reposent explicitement ou implicitement sur la définition médicale du cancer, et lorsque la classification médicale change et qu’une maladie passe de non cancéreuse à cancéreuse (ou inversement), la décision de verser ou non une indemnité pour cette maladie peut en être modifiée.
Les changements de classification qui interviennent au fil du temps peuvent complexifier la décision de valider une demande, et également en réduire la compréhension et l’acceptation par l’assuré. Si les changements de classification ne concernent que des maladies rares, l’effet global sur le portefeuille d’assurance sera limité, et d’autres modifications, par exemple dans les programmes de dépistage ou les comportements liés au mode de vie, auront une plus grande incidence sur l’expérience du portefeuille à long terme. Mais lorsque les changements concernent les cancers courants, les assureurs doivent étudier les éventuelles répercussions sur leurs portefeuilles. Cette situation peut résulter soit d’une reclassification complète de certaines maladies, soit d’une reclassification de la gravité d’un cancer spécifique.
La révision de la Classification internationale des maladies (CIM), une classification médicale proposée par l’Organisation mondiale de la santé, entre dans ce cas de figure. La CIM-10 est actuellement utilisée, mais la CIM-11 a déjà été publiée et sera utilisée pour les rapports à partir de 2022.
La CIM-10 fait la distinction entre les tumeurs malignes (C00-C97) et les tumeurs bénignes (D10-D36), et les secondes ne sont pas considérées comme des cancers. Cependant, certaines tumeurs bénignes du cerveau engagent le pronostic vital des patients. Elles n’envahissent pas d’autres tissus, mais elles grandissent et augmentent la pression exercée sur le cerveau, car le crâne ne contient pas l’espace suffisant pour les cellules supplémentaires. La CIM-11 distingue toujours les tumeurs bénignes des malignes pour la plupart des types de tumeurs, mais pas pour le cerveau et certaines autres zones.
Les polices qui couvrent également les tumeurs cérébrales bénignes (et parfois les tumeurs vertébrales bénignes moins courantes) ne sont pas impactées de manière significative par la révision de la CIM, mais il en va autrement pour toutes les polices. Certaines tumeurs cérébrales ont toujours été classées comme malignes, mais ce n’est pas le cas pour un grand nombre d’entre elles. Et les polices qui ne couvrent pas les tumeurs cérébrales bénignes ne comportent pas d’exclusions pour les maladies moins graves du cerveau, comme les kystes cérébraux, détectés couramment et souvent de manière fortuite.
Sur les marchés des MR à prestations différenciées, il faut différencier le montant des prestations en fonction de la gravité, par exemple selon la classification TNM, qui définit quatre stades (et sous-stades) de cancer en fonction de la taille de la Tumeur, des ganglions lymphatiques touchés (Nodes) et des Métastases distantes (voir UICC, AJCC). Avec la compréhension toujours plus poussée de la génétique des tumeurs, cette classification peut être remplacée ou au moins complétée par le profil génétique du cancer. La classification du cancer du sein est la plus avancée dans cette voie, et la classification des cancers AJCC utilise à la fois une stadification uniquement basée sur la classification TNM, appelée stadification anatomique, et une stadification dite pronostique, incluant de nouveaux marqueurs, notamment l’existence de récepteurs des œstrogènes sur les cellules cancéreuses pour décrire la maladie. À partir des données du registre américain des cancers, nous avons analysé l’importance des répercussions sur la classification actuelle, comme l’illustre le tableau suivant. Pour la plupart des cancers de stade anatomique II, la stadification sera différente lorsque les informations génétiques seront également utilisées.
Le pire des scénarios pour un assureur avec une structure de prestations différenciées serait de payer pour la classification la plus élevée entre l’ancienne et la nouvelle. Cela n’est pas une obligation, mais les assureurs doivent avoir conscience du risque et réfléchir à des stratégies pour faire face à l’évolution des définitions du cancer. Il peut s’agir d’une combinaison de mesures d’atténuation des risques, comme des durées limitées, des définitions soigneusement formulées ou des conditions générales de police. Contactez-nous pour en savoir plus.
Note
- https://icd.who.int/browse11/l-m/en