Les tests génétiques se démocratisent et de nouveaux liens entre gènes et maladies sont régulièrement identifiés. Toutefois, en raison des nombreuses contraintes qui pèsent sur l’utilisation des tests génétiques prédictifs dans le domaine de l’assurance, l’accès direct des consommateurs aux résultats est une question que l’industrie doit examiner très attentivement.
La science génétique est en fait relativement récente. Gregor Mendel (1865) est reconnu pour avoir identifié la transmission des gènes dominants et récessifs, et vers la fin du XIXe siècle, les chromosomes ont pu être identifiés en divisant les cellules à l’aide d’un microscope optique.
Watson et Crick ont révélé la structure de l’ADN en 1953 et notre compréhension de la génétique humaine a progressé rapidement au cours des 30 ou 40 dernières années. Les liens entre la génétique et les maladies sont connus de longue date. L’hémophilie, par exemple, est une maladie transmise par un gène récessif lié au chromosome X et qui touche donc presque exclusivement les hommes.
Les tests génétiques peuvent être utilisés pour évaluer le risque de développer une maladie à l’avenir (tests prédictifs) ou pour aider à confirmer une pathologie existante (tests diagnostiques).
Le génotypage s’intéresse aux segments d’ADN connus sous le nom de polymorphismes mononucléotidiques (SNP, single nucleotide polymorphisms). Il s’agit de variations au niveau de sites de l’ADN que l’on sait être associés à certaines maladies. Ces variations ne sont pas forcément à l’origine de la maladie et ne permettent pas de prédire de façon fiable son apparition.
Avec la mise au point de technologies de dernière génération, le séquençage des gènes est devenu rapide et relativement abordable. Cette technique permet d’évaluer l’ensemble du génome au lieu de seulement examiner des sites spécifiques associés à des maladies déjà décrites.
Lors de l’évaluation du risque de manifestation d’une caractéristique génétique, il est évident que le mode de transmission est important. Pour qu’un état récessif se manifeste, la personne doit hériter du gène responsable de sa mère, mais aussi de son père. S’il s’agit d’un état dominant, un gène suffit. S’il s’agit d’un état récessif, la personne porteuse du gène a très peu de risques de manifester cet état.
Il est important de comprendre ces concepts pour bien interpréter les informations potentiellement fournies au sujet des proposants. Le secteur de l’assurance s’intéresse particulièrement à ces tests prédictifs. Très peu de tests ont une valeur prédictive de 100 %, et même s’ils prédisent une maladie, ils n’indiquent pas nécessairement la pénétrance (la proportion de personnes porteuses d’une anomalie génétique particulière qui exprimeront les symptômes cliniques associés à cette anomalie) ou l’expressivité (qui mesure le degré d’expression d’une caractéristique génétique).
Pour les assureurs de personnes, le fait que les tests génétiques en libre-service soient de plus en plus accessibles et que les résultats parviennent directement au client sans être enregistrés dans une base de données médicales constitue une évolution importante. Cela crée non seulement un risque d’antisélection, mais soulève également un certain nombre de questions concernant le bon usage de ces tests.
Du point de vue de l’assurance, l’utilisation des informations génétiques est souvent limitée par la législation ou par convention. Dans la grande majorité des pays, il est interdit de se servir d’informations génétiques prédictives pour établir des surmortalités au détriment d’un proposant. Au Royaume-Uni, il existe un moratoire concernant l’utilisation des tests génétiques prédictifs, en dehors de la maladie de Huntington (pour des capitaux assurés supérieurs à GBP500 000).
Il est important pour les assureurs de comprendre les différents types de tests et leurs implications. Certaines mutations génétiques spécifiques sont associées à des maladies graves telles que la fibrose kystique, mais de nombreuses maladies comme les maladies cardiaques ischémiques trouvent leur origine au niveau de plusieurs gènes. Ce type particulier de maladie est souvent modifié de façon positive ou négative par des facteurs comportementaux tels que le tabagisme, le régime alimentaire et l’activité physique. De même, il est recommandé de ne pas négliger des antécédents familiaux de maladie seulement parce que le résultat d’un test génétique est négatif.
Pour l’anecdote, il y a plus d’un siècle, on a accusé la Reine Victoria d’avoir mené une sorte d’attaque biologique contre les maisons royales de toute l’Europe après qu’elle a transmis le gène de l’hémophilie à deux de ses cinq filles, la Princesse Alice et la Princesse Béatrice. Cette mutation a par la suite été transmise aux familles royales d’Espagne, d’Allemagne et de Russie.
La génétique est donc depuis longtemps un sujet litigieux, et il ne fait aucun doute qu’elle continuera de l’être.