Il y a quelques mois, des chercheurs de l’Hôpital universitaire d’Heidelberg ont annoncé le développement d’un test sanguin permettant de détecter les cellules cancéreuses à l’origine du cancer du sein chez les patientes avec une plus grande précision que la mammographie. À la même période, on a appris qu’une deuxième et une troisième personne séropositive avaient été guéries de la maladie. Puis, en mars 2019 a été annoncé le développement d’un nouveau vaccin anti-Ebola, créé à partir d’anticorps prélevés sur un survivant.
Les progrès de la médecine sont constants et connaissent une rapidité sans précédent au XXIe siècle. De nouvelles approches dans les domaines de la prévention, du diagnostic et de la thérapie laissent penser que l’éradication de maladies graves pourrait devenir réalité. En tout état de cause, elles offrent des perspectives de découverte plus précoce ou de traitement plus précis et laissent espérer de meilleures chances de survie, même dans le cas de maladies jusqu’alors mortelles.
Mais qu’impliquent ces évolutions pour la tarification des risques médicaux ? Cette évolution rapide signifie-t-elle que les directives relatives à la tarification des risques peuvent être mises à jour fréquemment pour refléter l’amélioration des résultats, ce qui impliquerait un nombre croissant de cas standard de tarification des risques (médicaux) ?
La priorité : une base véritablement fiable pour la recherche médicale
Les directives de tarification des risques suivent le principe de la tarification basée sur les faits (EBU, de l’anglais « Evidenced-Based Underwriting »). L’EBU s’inspire du concept de médecine fondée sur les faits (EBM, de l’anglais « Evidence-Based Medicine ») et s’appuie sur ce concept.
L’EBM a pour objectif d’évaluer systématiquement les publications médicales et de communiquer ce faisant des résultats vérifiés scientifiquement. Il convient de souligner que la classification hiérarchique par type de preuve ne reflète que la structure d’une étude médicale et ne donne aucune information sur son contenu.
Le contenu ou la question de recherche d’une étude ne peut avoir qu’une valeur limitée, même si l’étude est bien classée selon la grille d’évaluation. L’évaluation thématique des résultats scientifiques et de leurs conséquences pour le diagnostic, le traitement et le pronostic nécessite une grande expérience clinique et une vaste coordination. Une connaissance détaillée de la validité interne et externe est nécessaire pour déterminer si un essai clinique est « bon ».
Il faut répondre à de grandes questions pour évaluer la valeur et l’utilité d’une étude clinique, notamment :
- Le nombre de sujets est-il suffisant ?
- La période d’observation est-elle assez longue ?
- Combien de sujets ont abandonné ?
- Les méthodes étaient-elles appropriées et ciblées ?
De la recherche médicale à la tarification des risques : veiller à bien faire les choses
L’EBU s’est développée sur la base de l’EBM afin d’assurer la meilleure évaluation possible, c’est-à-dire une offre non discriminatoire pour le client avec des taux de prime adaptés aux risques. Elle le fait en tirant parti des dernières découvertes valides sur le risque dans le domaine clinique.
Pour l’essentiel, les mêmes types de preuves sont employés pour l’EBU et l’EBM. Le choix des informations appropriées et le transfert des résultats du contexte clinique au contexte de la médecine d’assurance sont soumis à des exigences élevées.
Plusieurs facteurs sont à prendre en compte :
- la population étudiée et si les résultats sont applicables au groupe cible des produits d’assurance ;
- la réputation du chercheur et de la revue dans laquelle l’étude est publiée ;
- l’objectif principal de l’étude et la possibilité d’appliquer la conception de l’étude au secteur de la médecine d’assurance ;
- le financement de l’étude et si celle-ci a été menée avec un objectif spécifique non conforme aux objectifs de la ligne directrice en matière de tarification des risques
L’interprétation de ces facteurs (et d’autres) et l’application des résultats cliniques au contexte de l’assurance relèvent de la responsabilité des experts concernés, le plus souvent des médecins. Leur expertise est également requise lorsqu’il s’agit de compléter des lignes directrices dans des domaines où les informations cliniques ne sont pas disponibles (ex. : maladies rares, certaines tranches d’âge, combinaisons de maladies, etc.).
Absence de contrôle de validité : le danger d’une trop grande précipitation
L’importance de chacune de ces étapes ne fait guère de doute si l’on considère la réalité des progrès médicaux.
- Quelques jours seulement après l’annonce récente du test sanguin révolutionnaire de dépistage du cancer du sein par l’Université d’Heidelberg, cette dernière s’est excusée pour la commercialisation prématurée et trompeuse de ses résultats de recherche et les espoirs qu’ils avaient prématurément suscités.
- Dans le même temps, les patients visiblement guéris du VIH existent vraiment, mais leur guérison est survenue dans des conditions très spécifiques et difficilement reproductibles.
- Quant à Ebola, la situation demeure peu réjouissante. Depuis l’été 2018, le virus fait rage au Congo. En mars 2019, plus de 1 000 personnes ont été infectées et plus de 600 décès ont été confirmés.
Les progrès médicaux observés ces jours-ci, qui font les gros titres de façon quasi quotidienne, sont extraordinaires. Mais, pour les raisons exposées ci-dessus, il faut de la patience pour que des progrès spectaculaires se traduisent par des directives de tarification des risques qui résisteront à l’épreuve du temps.